SEPULTURA (br) - Under A Pale Grey Sky (2002)
Label : Roadrunner Records
Sortie du Scud : 24 Septembre 2002
Pays : Brésil
Genre : Live
Type : Album (live)
Playtime : 28 Titres - 109 Mins
On attendait beaucoup de SEPULTURA en France, à la fin des 90’s. Roots vendu à plus de 100.000 exemplaires, une aura intacte, et de belles années devant eux.
Le sort en aura décidé autrement.
Le cas SEPULTURA est épineux. Un peu comparable à celui de CHRISTIAN DEATH, après sa scission. Tandis que la formule de Valor continua dans une veine Goth-Rock, celle de Rozz Williams durcit le ton du groupe et y inclus pléthore de composantes Metal.
Max, avec SOULFLY pérennisa l’héritage tribal de ses origines, tandis que Andréas, Igor et Paulo s’enfoncèrent dans un Hard-Core ténu, avec l’aide de Predator. Deux SEPULTURA au lieu d’un, choisissez votre camp.
Et en y réfléchissant bien, il devient vite évident que le groupe avait atteint l’apogée de sa formule avec cet ultime album en commun. Qu’auraient ils pu dire de plus ? SOULFLY s’est très vite orienté vers un Thrash très sombre et lourd, tandis que SEPULTURA expurgeait au maximum sa musique pour n’en retenir qu’une base quasi ascétique (même si de leur côté, les expérimentations « world » n’ont pas cessé).
Under A Pale Grey Sky confirme ce postulat. Enregistré lors de la dernière date de la première partie du Roots Tour de 1996, au Brixton Academy de Londres, il montre le groupe sous un jour nouveau pour les fans de la première heure, visiblement sur de lui, quoique souffrant déjà de tensions internes impalpables pour les personnes extérieures.
Et pour cause. Ce soir là, sous la pression des trois autres membres (et visiblement de l’épouse d’Andréas…), Max quitte le gang qu’il avait formé 13 ans plus tôt avec son frère. Andréas, Paulo Jr et Igor ne supportent plus le management de Gloria, la femme de Max, car selon eux, celle-ci surexpose le leader dans les médias à leur détriment. C’est la fracture irréversible, la trahison suprême pour l’aîné des Cavalera.
Malgré l’ambiance plus que délétère qui régnait depuis quelques mois, SEPULTURA livre ce soir là une prestation à la hauteur de sa réputation live. Avec deux tiers de la set-list consacrés à Chaos A.D. et Roots, le quatuor affiche sa préférence d’entrée. Under A Pale Grey Sky sera tribal ou ne sera pas. Et à l’écoute de l’album, ce choix est plus que logique. SEPULTURA semble terriblement plus à l’aise avec ce répertoire qu’avec ses anciens morceaux, spécialement ceux de Beneath The Remains et Arise, qui ont droit à la portion congrue, malgré leur statut d’œuvres phares. « Beneath The Remains » enchaîné à « Mass Hypnosis » sont exécutées (le mot est bien choisi !) à une vitesse supersonique, comme si les musiciens les jetaient en pâture aux fans par obligation de révérence. Le même sort est réservé à « Arise » et « Desperate Cry », ce qui est selon moi, une honte absolue (le groupe n’a d’ailleurs pas perdu l’habitude en 2010 de jouer ses morceaux les plus rapides à la vitesse de la lumière, en témoigne leur concert au Hellfest.).
Par contre, les épisodes les plus anciens de son histoire, « Troops Of Doom » et « Necromancer » passent comme une lettre à la poste, et sonnent encore plus crus que leur pendant studio, ce qui leur offre une relecture incroyablement sauvage et rafraîchissante.
Mais les points forts de ce live restent sans conteste les extraits les plus récents de leur catalogue, qui sonnent comme autant d’hymnes contre la misère, l’injustice, et le mépris de l’homme envers les siens et la nature.
En ouverture, « Roots Bloody Roots » est simplement hallucinant de puissance. Le tonnerre s’abat sur Londres, et la tempête fait rage. Toujours accordés en Si, le groupe fait sonner ce morceau comme un gigantesque drone capable de souffler une ville entière de sa haine sonore. « Spit », suinte de colère quasi Hard-Core. Même si l’intro de « Territory » est un peu bâclée par Igor, la chanson reste un modèle de Power Thrash hargneux et vindicatif. Quand à « Born Stubborn », c’est tout simplement un massacre.
Mais ça n’est pas terminé, et le second CD fait plus qu’entériner la supériorité de SEPULTURA sur ses concurrents de l’époque, SLAYER (surtout) compris. Il propulse le groupe au firmament des formations novatrices et implacables. La quadruple salve d’entrée, « We Who Are Not As Others », « StraightHate », « Dictatorshit » et « Refuse_Resist » est un tir de DCA ininterrompu, qu’on juge a posteriori bien sur, puisque ces morceaux sont devenus des classiques avec les années. Il n’empêche que la rage déployée, amplifiée par la réponse enthousiaste du public ressemble clairement à une vindicte populaire dirigée contre l’indifférence générale. Max est impérial et sort ses tripes jusqu’à la limite de l’extinction vocale.
« Inner Self », seul titre de Beneath The Remains à avoir droit à une exécution intégrale révèle au contraire un groupe brouillon. Beaucoup trop rapide et approximatif, il vient quelque peu gâcher le plaisir.
Le final de ce double live a aussi de quoi surprendre. Le choix des titres n’apparaît pas très cohérent, et mis à part « Ratamahatta », pas de classique à se mettre sous la dent. Le fait de clôturer l’album sur une reprise, en l’occurrence le très méchant « Orgasmatron » de la bande à Lemmy est un peu bancal.
« We Gotta Know », des CRO-MAGS est par contre assez révélateur de la tendance que va prendre le SEPULTURA post Max, très Hard-Core. Il est vrai que Derrick Greene venant de ce milieu, l’intégration des nouveaux éléments fut aisée.
En définitive, Under A Pale Grey Sky est le testament le plus fidèle qu’aura pu laisser SEPULTURA à son public. Avec une set-list concentrée sur ses deux derniers efforts et quelques reprises bien senties, il est assez révélateur des derniers instants du groupe. Il nous laisse sur une impression mitigée, la même qui nous a animés lors de la révélation du départ de Max. Et c’est sans doute ce qui a amené les survivants du naufrage à la renier, et à ne jamais le faire figurer dans leur discographie officielle.
Alors, on peut toujours gloser sur ce qu’ils seraient devenus, sur ce qui aurait pu succéder à Roots, si Max n’était pas parti.
Mais à quoi bon tenter de réécrire l’histoire. Autant la vivre.
En live.
Ajouté : Mercredi 23 Octobre 2002 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Sepultura Website Hits: 17595
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