Créée il y a quinze ans, la collection "Pour les Nuls" des éditions First comprend près de cinq cent titres d'ouvrages de vulgarisation sur des sujets aussi variés que Photoshop Element 13, le droit, l'Histoire de France, l'autisme, le TAGE-MAGE, Windows 8.1, l'histoire de l'art, la culture générale, la guitare ou le Rock.
Ces ouvrages écrits par des spécialistes plus ou moins reconnus suivent une trame similaire avec un certain nombre de passages obligés et de repères de lecture destinés à enrichir la culture, la connaissance et la compréhension de l'amateur éclairé. Mais vous l'aurez vite compris en parcourant le catalogue de la collection, si certains ouvrages, notamment ceux traitant des logiciels, permettent de se faire une idée assez précise du sujet, la plupart ne font qu'effleurer le thème, bien trop vaste pour un traitement en 500 pages. C'est hélas le cas de ce Rock pour les Nuls publié en 2009 et écrit par Nicolas Dupuy.
En quatrième de couverture, on apprend de l'auteur qu'il a créé le blog de référence "Crosstown traffic, mythes, anecdotes et fabulations rock'n'rollesques" et son indispensable complément, le blog "Are You Experienced?", une "encyclopédie rock'n'rollesque interactive irraisonnée". Bassiste amateur dans un groupe de rock depuis 1989, il est également l'auteur du Petit livre des 100 meilleurs albums de rock (également publié chez First). En synthèse, Nicolas Dupuy est un amateur éclairé qui va consacrer un livre pour raconter l'histoire du rock à ses semblables. Evitant la pompe universitaire ou la morgue journalistique, l'auteur raconte très naturellement l'histoire du Rock, de 1950 à nos jours. Un ton léger et parfois un peu complaisant qui use et abuse des points de suspension et du teasing. Si on peut pardonner à l'auteur de prendre quelques raccourcis pour réussir à caser soixante ans de musique Rock en moins de cinq cents pages, il est par contre dommage que Nicolas Dupuy n'ait pas faite sienne la règle d'or de l'historien : éviter de laisser parler ses sentiments, se baser sur les faits et autant que faire se peut, essayer de relier les événements entre eux pour rattacher la petite histoire et la grande Histoire...

Car à la lecture de cette histoire du Rock, les préférences de l'auteur apparaissent bien vite et tissent une structure narrative qui a parfois tendance à considérer une poignée de musiciens comme les pères fondateurs et universelle de tout l'édifice Rock. Sans que l'ouvrage dans son intégralité puisse être qualifié de tissu d'inepties, certaines prises de position de son auteur, notamment concernant le Metal, laissent planer un doute légitime sur la compétence de Nicolas Dupuy vis-à-vis de son sujet. Comme considérer SUICIDAL TENDENCIES comme l'un des cinq groupes de Thrash majeurs, reprocher à SLAYER de faire l'apologie du nazisme, accentuer le "e" de Metal, considérer que le Thrash est un courant 100 pourcent américain ou que l'âge d'or du Hardcore s'est achevé en 1984... Rien de bien grave diront certains, sacrilège penseront d'autres. La vérité est certainement entre les deux mais il va sans dire que de telles affirmations font planer un certain doute sur la maîtrise du sujet par son auteur.

Contraint par un formalisme inhérent à la collection, Nicolas Dupuy doit bien entendu trouver du contenu pour remplir les rubriques imposées, ce formalisme qui donne des repères à la lecture alourdit parfois inutilement la narration. Mais le plus gros défaut de cet ouvrage est son côté catalogue d'artistes. Chaque courant est prétexte à un étalage de groupes représentatifs d'une cinquantaine de lignes (exception faite des grandes figures du Rock comme les BEATLES, ROLLING STONES, RAMONES, Jimi Hendrix ou Eddy Van Hallen qui jouissent de plus de place). En si peu d'espace, difficile d'être exhaustif et la présentation des groupes se résume souvent à décrire leurs albums majeurs, trois ou quatre caractéristiques et, si la formation est toujours active, citer leurs derniers faits d'arme. Faisant rarement des rapprochements entre cette histoire des groupes et l'histoire de la société (la première motivant parfois la seconde et vice-versa), omettant tout aussi souvent de rapprocher les courants dans une trame parallèle, cette énumération de groupes qui a tendance à s'accélérer sur la fin du livre. On perd bien vite toute espèce d'intérêt pour cette liste sans fin et il n'est pas rare de sauter quelques pages à la recherche d'une formation qui excite un petit peu notre curiosité.

Ce livre trop généraliste ne vous apprendra pas grand chose sur les groupes que vous connaissiez déjà et ne creusera pas non plus l'histoire du Hard Rock ni du Metal, puisque ce n'est pas son propos (et manifestement pas non plus la spécialité de l'auteur). Il s'agit sommes toutes d'un bon ouvrage de vulgarisation pour comprendre la genèse du Rock dans son acceptation la plus classique, c'est à dire celle qui ressemble peu ou prou au contenu de la page Wikipedia consacrée au sujet.