ETHS (FRA) - Candice et Staif (Sept-2004)
Depuis sa création en 1999, le groupe de Métal marseillais Eths a fait son chemin. La sortie en octobre de leur premier album, « Soma », sera suivie d’une grande tournée dans toute la France. C’est à cette occasion que j’ai pu discuter avec Candice, chanteuse à la voix surprenante, et Staif, l’un des guitaristes.
Line-up : Candice (chant), Staif (guitare), Greg (guitare), Rosewell (basse), Guillaume (batterie)
Dicographie : Autopsie (Démo - 2000, remasterisé en 2003), Samantha (Démo - 2002), Soma (11 octobre 2004)
Metal-Impact. Bonjour, pour ceux qui ne vous connaissent pas encore, vous pouvez présenter Eths ?
Candice. Eths, c’est moi au chant, Staif et Greg qui jouent de la guitare, Guillaume à la batterie et Rosewell à la basse. Ça fait cinq ans qu’on existe et on est basé sur Marseille.
MI. Comment s’est formé le groupe ? Vous vous connaissiez avant ?
Candice. Nous étions au lycée ensemble.
Staif. Oui, c’est parti d’un groupe de lycée qui réunissait Greg, Candice et moi. Après, les études on fait qu’on a changé de basse et de batterie. Guillaume et Rosewell sont venus et nous sommes devenus Eths. Avant, ils avaient aussi leur groupe, qui a splitté en même temps que le notre.
MI. Vous êtes tous à peu près du même âge, donc ?
Candice. Sauf le batteur qui a 28 ans et deux enfants.
Staif. C’est un papa !
Candice. Pour nous, on a une moyenne d’âge de 23 ans.
MI. Qui a trouvé le nom Eths ?
Candice. Nous tous. Nous voulions un nom qui ne veuille rien dire, pour ne pas se lasser au fur et à mesure des années. On a choisit des lettres qui allaient bien ensemble.
Staif. On trouvait ça beau visuellement.
Candice. Oui, c’est parti d’un logo, au début. C’est venu comme ça.
MI. Comment définiriez-vous votre style ?
Candice. Métal.
Staif. Oui, Métal.
Candice. Tout simplement. Pas de « Métal Machin » ou de « Machin Métal ».
MI. Vous avez beaucoup d’influences, tantôt pop, tantôt rock…
Candice. Dans le groupe, nous avons tous des influences très diverses. Le grand groupe qui nous a influencé au départ, c’était Metallica.
Staif. Tout à fait, c’est parti de là.
Candice. Moi, c’était Hole mais bon, c’est encore différent. Sinon, à l’heure actuelle, ce qui nous influence dans notre musique, c’est plutôt Meshuggah ou les grosses statures.
MI. Vous aimez mélanger les styles, c’est votre marque de fabrique ?
Staif. C’est ce qu’on aime faire. Nous nous lassons facilement. Nous écoutons tous beaucoup de choses différentes : des musiques super récentes aux plus anciennes. De tout quoi.
MI. Candice, tu disais dans une interview « si t’as pas d’ambition, tu restes dans ta cave ». Quelle est l’ambition d’Eths ?
Candice. Ah bon, j’ai dit ça ? [rires] L’ambition, c’est de monter un groupe, de faire de la scène et des disques, tout simplement. Après, il faut se donner les moyens. C’est vrai que c’est extrêmement dur au départ pour se faire reconnaître par la presse, être bien conseillés. Nous sommes de Marseille et ça a été très dur. C’était ce que j’entendais par là. Si tu n’as pas d’ambition, si tu t’en fout, tu restes où tu es.
MI. A Marseille, c’est plus dur qu’à Paris ?
Candice. Au début, on pensait ça.
Staif. Parce qu’on n’avait pas les moyens de partir de Marseille. En rentrant dans Coriace –avant la formation d’Eths, en fait– nous avons eu un camion à notre disposition. On a réussi à s’exporter un peu. Dès qu’on est allé sur Montpellier, on a eu un accueil complètement différent de Marseille. Peut-être que notre côté sombre ne plaisait pas aux gens qui venaient dans les soirées juste pour voir.
Candice. Il a fallut qu’on aille jouer ailleurs pour avoir une certaine reconnaissance chez nous et même pour pouvoir seulement jouer chez nous.
Staif. C’est après qu’on ait parlé de nous dans des magasines que nous avons fait des concerts vraiment plein dans de petites salles chez nous.
MI. Faire un concert, faire un album, qu’est-ce que vous préférez ?
Candice. C’est totalement différent, ça n’a rien à voir. Moi, j’aime bien les deux mais c’est vrai que j’ai une préférence pour la scène. Parce que là, tu donnes tout.
Staif. Moi, j’aime vraiment autant les deux. J’aime le live où il faut tout donner, comme l’a bien défini Candice. Mais j’aime aussi le studio, où il faut… (Staif cherche ses mots, Candice en profite pour compléter à sa manière : « picoler, se soûler… ») réfléchir, travailler dur pour que tout soit parfait. Un peu comme une image de ce qu’est la musique.
MI. Qui compose ?
Candice. Eux, c’est la musique et moi, les paroles. Je m’inspire de la musique qui est en train de se créer, de mûrir et j’écris.
MI. Vous disiez il y a quelques temps que vous n’étiez pas prêts financièrement et musicalement à faire un album. Le cap est franchi ?
Candice. Et oui !
Staif. Financièrement, grâce à Sriracha Records, qui nous a signé. Ça a été une grande chance. Musicalement, avec toutes ces dates, on se sentait enfin prêts. Je pense qu’il valait mieux ne pas se lancer, à l’époque où on a fait Samantha. Faire plus de titres aurait été une erreur, nous aurions peut-être tout gâché. Nous voulons obtenir un résultat qui, quoi qu’il arrive, ne déçoive pas. Même s’il faut pour cela que ce soit plus court.
MI. Ca fait quoi de sortir un vrai album ?
Candice. C’est génial ! Et puis, c’était quand même le but de la chose. Avec un album, plus de morceaux, on a pu s’exprimer plus et aller vers tout ce qu’on voulait faire, tant dans le côté extrême qu’en général. Bien sûr, on n’a quand même pas pu faire tout ce qu’on voulait.
MI. Tu dis que vous n’avez pas pu tout faire. Qu’est-ce que vous aimeriez faire ?
Candice. Je ne sais pas, peut-être pas avec Eths. Nous voulons faire tellement de choses différentes ! Le faire dans Eths ne serait pas possible.
Staif. On ne veut pas briser l’univers. Depuis le début, nous avons fait dans Eths une musique qui était notre univers et qui le reste. Mais, comme on grandit et qu’on écoute beaucoup de choses, nous avons aussi envie de faire beaucoup d’autres choses. Quant à faire un morceau funk sur un titre de Eths, les gens hallucineraient complètement. C’est bien de se lâcher un peu en-dehors du groupe. Cela permet ensuite d’aller plus loin dans l’imagerie Eths, pour que la musique soit encore plus prenante et qu’elle t’amène encore plus loin.
MI. Comment définiriez-vous le son de l’album ?
Candice. Froid.
Staif. Oui, froid, plutôt lourd. Sombre.
MI. Samantha était déjà plus nuancé qu’Autopsie. Vous continuez dans cette veine ?
Candice. Oui, tout à fait. Comme je le disais tout à l’heure, il y a un panel plus large, plus de morceaux.
Staif. Nous voulions aller plus loin dans le mélodique comme la violence et aussi explorer le point de vue de plusieurs personnages. Nous avons cherché beaucoup d’ambiances différentes. Ça donne un petit changement constant. La musique, ça reste des guitares, alors que les combinaisons du chant, qu’il soit crié ou chanté, donnent l’atmosphère.
MI. Toujours des samples, des bruits de fonds ?
Staif. Un petit peu, oui.
Candice. On aime bien ça.
MI. Des instruments un peu inhabituels ?
Candice. Oui, il y a des morceaux acoustiques et un violoncelliste a également joué sur « Ailleurs, c’est ici ». Ça ne s’entend pas beaucoup, du moins à la première écoute. C’est plus discret.
Staif. C’est vraiment un arrangement, alors que sur Animadversion, le violoncelle avait une partie à part entière.
MI. Comment s’est passée la participation de Reuno de Lofofora ?
Candice. Très bien. Nous étions très contents parce que nous aimons beaucoup Lofo. Ce n’était pas prévu au départ. Quand on a voulu faire l’album, on ne s’est pas dit qu’il y aurait Reuno dessus. Mais quand on a composé le morceau « Ailleurs c’est ici », on s’est dit qu’il fallait qu’il soit là ; le morceau était fait pour lui. Après, ça s’est fait tout seul. Nous avions déjà joué avec eux auparavant et le courant ne passait pas mal. C’est vrai que c’était dur de l’appeler, on était intimidés, parce que c’est quand même Reuno !
MI. K-Lee, le chanteur de Tripod, ne chante plus sur cet album ?
Candice. Non, c’était plus pour d’autres projets.
Staif. On aime bien changer et puis on adapte en fonction des morceaux, c’est surtout ça.
MI. Qu’est-ce qui a inspiré l’album ?
Candice. Je ne sais pas…
Staif. C’est un an et demi de vie qu’on a enregistré.
Candice. Oui, tout nous a influencé dans l’écriture des morceaux. On a eu des phases plus tristes, parfois une note d’espoir. Je pense que « Soma », c’est une vie.
MI. D’où vient ce mal-être qu’on perçoit toujours ?
Staif. Si on savait !
Candice. Moi, quand j’écris, il faut que je sois dans une période où je ne suis pas très heureuse.
MI. Et le jour où tu seras heureuse ?
Staif. On peut toujours plonger dans les souvenirs.
Candice. Il y a toujours quelque chose qui ne va pas, de toute manière. Même s’il y a des choses qui sont très bien dans ta vie, il y en aura toujours d’autres qui resteront à jamais.
MI. Et s’il n’y avait pas la musique, vous pensez que cela se traduirait comment ?
Candice. Oula !
Staif. Oula !
MI. [rires] C’est court mais explicite comme réponse !
Candice. Franchement, ce serait très dur. Mes textes, mes cris, le chant me permettent de l’exprimer. C’est très dur, très violent. Donc, à part le sport… mais je n’aime pas le sport…
Staif. Moi non plus je ne pourrais pas vivre sans la musique.
Candice. Ou alors, à la limite, je pourrais écrire des livres, des poèmes, ce genre de choses.
MI. Quand on prend l’exemple de « Samantha », vous donnez l’impression d’être influencés par l’actualité…
Candice. « Samantha » était un cas isolé, un fait divers qui nous a marqué. Nous avons entendu ça à la radio parmi les résultats du loto. Le présentateur avait une voix normale, monocorde. Et on s’est dit, « comment il fait ? ». C’est surtout ça qui nous a poussé à en parler. Après, il y a des millions de choses horribles sur terre. Même si nous nous sentons concernés…
Staif. Ça nous intéresse mais on ne voit pas l’intérêt de mettre ça dans nos morceaux.
Candice. Nous ne délivrons pas de message, ce sont juste des visions de vie. C’est ce qu’on a à proposer aux gens. En tout cas, moi, par rapport à mes textes, c’est ma vision du corps, par exemple, puisqu’on parlait de « Samantha ».
MI. Pour en revenir à « Soma », comment s’est passée votre collaboration avec Sriracha Records et Pias ?
Candice. Nous sommes très contents.
Staif. Sriracha est extrêmement bien placé. Pias, c’est pareil. Ils sont venus nous voir pendant l’enregistrement, ils ont écouté. Ça fait plaisir de sentir qu’ils sont vraiment intéressés.
MI. Les enregistrements se sont bien passés ?
Candice. Oui, un peu stressant mais normal. C’est la pression du « est-ce qu’on va bien faire ? ».
Staif. Ça reste du studio. Bien sûr, nous avons eu quelques petits soucis. Il a fallut acheter un ampli, on a eu des galères de guitare… ce sont de petits détails. Mais voir Reuno chanter sur notre morceau… ! Il a une telle façon de chanter ! Il était très impressionnant. Avec lui, cela a l’air si facile !
Candice. C’était formidable de le voir chanter mes textes. Et puis, il y a le morceau acoustique. On a beaucoup ri en le faisant. On s’est vraiment bien amusés. Mais c’était le dernier morceau de l’enregistrement, alors, c’était aussi la pression qui se relâchait.
MI. Vous avez encore travaillé avec Magalie ?
Candice. Oui, c’est notre photographe attitrée. On l’adore et on adore ce qu’elle fait. Enfin, ce n’est pas vraiment la notre, elle travaille avec tout le collectif Coriace. On aime beaucoup son travail alors on ne voit pas pourquoi on se séparerait d’elle.
MI. Coriace justement, ça vous apporte quoi ?
Candice. Au début, cela nous a surtout permis d’aller ailleurs. Si nous n’avions pas eu Coriace, rien ne serait allé aussi vite que ça a été. Et Coriace, c’est aussi une structure de management où Musclor s’occupe de tous les groupes.
MI. Les quatre autres groupes sont assez différents de ce que vous faites. C’est un problème ou un atout ?
Staif. Un atout. C’est ce qu’on aime, les différences. Et c’est notamment grâce à Tripod que l’on a pu savoir comment il fallait faire, pour faire des concerts…Coriace, c’est surtout une entraide.
Candice. Et ça va se développer.
MI. On parlait concert, vous avez une tournée qui arrive. Vous jouez à Paris pour Halloween, c’est un fait exprès ?
Staif. Non, il a fallu que ça tombe sur nous ! [rires] Comme un clin d’œil. Ça nous fait rire. On va peut-être faire un jeu avec le public. On va en profiter.
Candice. Et on va se déguiser. Peut-être que c’était voulu par l’organisateur mais je ne sais pas.
MI. Quels sont les temps forts de la tournée ?
Candice. C’est partir en tourbus avec tous nos potes, tous les groupes. On ne l’a jamais fait, on en rêvait, on va le faire.
MI. Vous connaissiez la scène Métal parisienne ?
Candice. On a déjà joué un petit peu aux alentours, en banlieue. On avait joué au Glazart ainsi qu’une fois à la Boule Noire.
Staif. Nous ne connaissons pas vraiment le milieu underground parisien. On connaît juste les gros, style Watcha ou Aqme. Nous ne sommes pas parisien et nous aimons bien nos cigales et notre mer.
MI. Candice, tu disais que tu avais toujours voulu chanter mais pas forcément dans ce style-là. Tu te serais vue dans quelle autre style ?
Candice. Moi, à la base, j’étais fan de groupes de rock, punk-rock, comme Hole. Je monterais bien un groupe de fille pour faire comme Courtney Love.
MI. Je ne te vois pas vraiment en Courtney Love…
Candice. Moi non plus ! Il faudrait déjà que je me teigne en blonde et ça, je ne crois pas que ce soit possible. [rires]
MI. Tu aurais travaillé ta voix différemment ?
Candice. Oui, j’aurais peut-être plus chanté avec un chant « normal », même si toujours avec une voix éraillée. Je prends des cours de chant maintenant. Puisqu’il y avait plus de chant sur l’album, c’était un passage obligé. Je me suis dit qu’il fallait que j’assure.
MI. Merci beaucoup pour cette interview. Je vous laisse le mot de la fin…
Candice. Déjà, j’aimerais remercier ceux qui nous soutiennent parce que, au début, c’est souvent long. Et aussi nos parents, qui croient en nous, et on ne le dit pas assez souvent. Et à ceux qui nous découvrirons par « Soma », j’espère qu’ils apprécieront le CD.
Ajouté : Vendredi 24 Septembre 2004 Intervieweur : Kandra Lien en relation: ETHS Website Hits: 42533
|